En France, la prévention de l’abus d’alcool peine à trouver sa place, car l’alcool fait profondément partie de notre culture. Nous avons un rôle à jouer en prévention. En effet, l’alcool est, avec le tabac, la principale cause de mortalité précoce dans notre pays. Face à un patient qui montre les signes d’une consommation régulière, il est de notre responsabilité d’aborder la question. Le questionnaire médical peut vous y aider. Ne doutez pas de votre légitimité à aborder le sujet ni de l’importance de cette démarche. Pour l’alcool, comme pour le tabac, les chances de voir un patient arrêter sont plus importantes quand il a été conseillé par un professionnel de santé. Concrètement, les conseils d’un chirurgien-dentiste peuvent constituer une étape importante dans le processus de prise de décision.
Comment repérer une consommation excessive, comment en parler?
Nous souhaitons participer à la démarche de repérage précoce des conduites addictives et de conseil, même bref. L’efficacité de l’intervention précoce et brève a été validée, il s'agit d'un conseil minimal et motivationnel. La « question alcool » peut donc être abordée en fonction de la présence de signes d’appel chez certains patients (c’est l’approche opportuniste). Une approche systématique peut aussi être menée auprès de l’ensemble de vos patients (recommandation INPES).
L'approche opportuniste.
En présence de certains signes comme l'haleine ou des signes plus fonctionnels (lien). Au cours de l’entretien, nous pouvons alors poser une question du type « que pouvez-vous me dire de votre consommation d’alcool ? » plutôt que « est-ce que vous buvez ? », qui a peu de chance d’aboutir à un dialogue. Dans le cas où votre patient est un consommateur régulier, parlez-lui des méthodes d’évaluation de la dépendance qui lui permettront de « voir où il en est » et des structures ou professionnels de santé qui peuvent le conseiller dans ce domaine.
L’approche systématique.
« Etes-vous d’accord pour parler de votre consommation d’alcool ?
Si le patient l’accepte, elle consiste à faire le point régulièrement sur la consommation d’alcool. Plusieurs questionnaires existent : ils permettent de faire un repérage et d’évaluer un niveau de risque. Ces tests ne constituent pas un outil diagnostique de la dépendance mais ils donnent des indicateurs qui permettent de rentrer dans une démarche de prévention plus argumentée.
Il ne veut pas parler ? Il ne sert à rien d'insister mais laissez une « porte ouverte » s’il désire en reparler plus tard. Le temps fera son œuvre.
La consommation d’alcool en France reste une des plus élevées dans le monde. D’après les données de vente d’alcool, la consommation moyenne d’alcool en 2009 a été estimée à un peu moins de trois verres « standard » d’alcool par jour et par personne de plus de 15 ans (1 verre standard contient environ 10 g d’alcool). Près d’un quart des hommes de plus de 40 ans boivent de l’alcool quotidiennement dont 15% ont une consommation de plus de 3 verres par jour.
Et pourtant, l'alcool a des conséquences néfastes démontrées sur notre santé et sur notre santé buccale.
Pour exemple, l’alcool est le deuxième facteur de risque de mortalité par cancers en France. Pour l’année 2006, il a été estimé que la consommation d’alcool était responsable de plus de 9 000 décès par cancers. Selon les mêmes sources épidémiologiques, 9 % des décès par cancers chez l’homme et 3 % chez la femme seraient attribuables à la consommation d’alcool. Des études de cohortes récentes confirment l’association entre la consommation de boissons alcoolisées et l’augmentation du risque de cancers.
Le risque de cancers augmente de manière linéaire avec la dose d’alcool apportée par les boissons (publication de l’Institut National du Cancer – INCA - en 2007). Aucun seuil de consommation « sans risque » n’a donc été identifié, et dès le premier verre, la consommation d’alcool augmente le risque de cancers, notamment les cancers des VADS et, parmi eux, les cancers buccaux.
Habituellement l’alcool est « diabolisé » sous deux formes extrêmes que sont la dépendance et l’ivresse. En fait, il existe aussi et surtout de nombreux buveurs excessifs qui mettent leur vie en danger par une consommation régulière d’alcool. Il y en a forcément parmi vos patients.